Cela faisait deux ans que les syndicats n'avaient pas réussi une telle mobilisation des fonctionnaires. Jugeant la grève « moyenne », le gouvernement ne change pas son calendrier.
La grève des fonctionnaires a été bien suivie. Quelque 30 % des agents de l'Etat selon le ministère du Budget et 45 % selon la CGT ont cessé le travail, hier, à l'appel des 8 fédérations de la fonction publique, pour l'emploi et le pouvoir d'achat. La SNCF et la RATP ont, elles, décompté respectivement 27 % (en légère hausse) et 18,4 % (stable) de grévistes. Cela faisait deux ans que l'on n'avait pas vu une telle mobilisation des agents de l'Etat, qui s'est accompagnée de nombreux défilés en France, auxquels se sont aussi joints des cheminots et des étudiants. Le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a évalué à « près de 700.000 » le nombre de manifestants, la police à 375.000. On est évidemment loin du mouvement contre le CPE qui avait mis jusqu'à 2 millions de personnes dans la rue, mais il s'agissait d'un sujet interprofessionnel qui avait mobilisé beaucoup de jeunes.
A Paris, où les syndicats ont décompté 70.000 manifestants et la police 30.000, le défilé a été marqué par un incident rappelant, en moins violent, celui dont avait été victime la précédente secrétaire générale de la CFDT, Nicole Notat, en 1996. Parce qu'elle avait soutenu la réforme Juppé de l'assurance-maladie, elle avait été agressée par des manifestants, dont certains de son propre camp. Parce qu'il a appelé le premier à suspendre la grève contre la réforme des régimes spéciaux, François Chérèque a été hué par une vingtaine de militants, dont certains arboraient des autocollants CGT, et a quitté le défilé en courant, protégé par son escorte.
« Le petit parfum de 1995 » qu'a cru déceler Olivier Besancenot, porte-parole de la LCR, était en tout cas assez léger. La question du pouvoir d'achat a en effet dominé la mobilisation d'hier. Mais si l'on regarde en détail les statistiques de grève, elles montrent que l'emploi et les restructurations en cours ont aussi pesé. Ainsi, c'est dans l'Education nationale que la mobilisation a été la plus forte, avec 39,14 % de grévistes. Hors éducation, le taux de grévistes n'est que de 20,38 %, mais il recouvre de fortes disparités. En particulier, le ministre du Budget, Eric Woerth, qui est aussi en charge de la fonction publique, aura noté que près d'un agent sur deux de son administration (49,26 %) a cessé le travail, hier. Est plus particulièrement visée la fusion en cours entre la direction des impôts et celle de la comptabilité publique.
Pas de quoi changer de stratégie
Si Bercy admet ces poches de mécontentement, le ministère relativise l'importance de la participation à la journée d'hier. C'est une « grève moyenne », a estimé le secrétaire d'Etat à la Fonction publique, André Santini, alors que les syndicats s'affirmaient satisfaits de son « importance », considérée comme un « succès ». Il n'y a pas de quoi changer de stratégie, estime-t-on au gouvernement. Eric Woerth a admis sur France Inter que les fonctionnaires ne gagnaient « pas très bien leur vie », mais qu'il fallait pour que ça change qu'ils acceptent de « faire plus d'heures supplémentaires » et qu'il y ait moins de fonctionnaires. Le calendrier reste inchangé avec une réunion d'étape, le 3 décembre, sur la conférence sur le pouvoir d'achat des fonctionnaires. Aujourd'hui, les 8 fédérations décideront de la suite à donner au mouvement. Solidaires souhaite « rapidement » une autre journée de mobilisation.
Les echos