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Faute de moyens, les escortes de détenus ou leur hospitalisation deviennent un casse-tête pour l'administration pénitentiaire.
Émoi dans l'administration pénitentiaire. «Avec le nombre historique de détenus dans nos établissements, le problème des transports et des escortes vers l'hôpital s'est encore accru», explique un directeur de l'administration pénitentiaire de la région parisienne. Les chiffres le montrent : les transports constituent un maillon faible de la surveillance pénitentiaire et donnent lieu à des évasions. Comme les hospitalisations. La bataille de moyens que se livrent les forces de l'ordre et l'administration pénitentiaire sur l'encadrement des «extractions médicales» vient d'ailleurs de se durcir.
Il faut dire que l'augmentation importante du nombre de détenus ainsi que la tendance au vieillissement de la population pénale ont détérioré une situation déjà tendue. Résultat : la sécurisation des transports et des séjours hospitaliers des détenus diminue et leurs soins sont fréquemment retardés.
Sur le terrain, les arrangements locaux ont pris le pas sur l'application rigoureuse des textes. Depuis de nombreux mois, policiers et surveillants se renvoient la balle lorsqu'il s'agit d'encadrer le transport et la surveillance des détenus à l'hôpital pour une consultation ou une hospitalisation, rechignant à mobiliser leurs équipes pour cette tâche. Chargées d'arbitrer les querelles de moyens, les autorités préfectorales «négocient» des solutions au cas par cas «du bricolage», dénonce Jean-Simon Meranda, de FO-direction. «À Rennes, par exemple, il n'est pas rare que des condamnés hospitalisés soient laissés à l'hôpital sans surveillance», confie un responsable de l'administration pénitentiaire. C'est actuellement le cas de deux détenues de la prison pour femmes. À Lannemezan, deux prisonniers ont porté leur dossier le mois dernier devant la Direction des affaires sanitaires, se plaignant de la façon dont s'est déroulée leur hospitalisation. L'un d'eux raconte par exemple comment il a été longuement menotté les gendarmes estimant que les locaux n'étaient pas suffisamment sécurisés avant son intervention, puis laissé ensuite totalement seul, sans entrave ni la moindre surveillance cette fois à son réveil…
«Les situations sont tout à fait variables, dénonce Hugues de Suremain, juriste de l'Observatoire international des prisons, allant de la surveillance intermittente les forces de l'ordre passent sur place à intervalles à l'excès manifeste et dégradant. Récemment, pas moins de 9 membres des forces de l'ordre ont encadré la visite chez l'ophtalmologiste d'un détenu du centre de Clairvaux…»
À Caen, selon le rapport annuel 2007 de l'Observatoire régional de la santé de Basse-Normandie, la moitié des extractions médicales ont été annulées.
«En réalité, devant la difficulté d'organiser les déplacements, la tendance est actuellement à reculer au maximum l'échéance des soins, explique un surveillant pénitentiaire. Du coup, quand il faut intervenir, c'est souvent en urgence, au milieu de la nuit, et là, c'est encore plus difficile à gérer.»«Comment faites-vous, chez vous, pour aller chercher les détenus à l'hôpital la nuit ? interroge quant à lui un surveillant du sud de la France sur un site de discussion entre collègues… Parce que nous, s'inquiète-t-il, c'est la Kangoo blanche, pas du tout équipée…»
Dans la région parisienne, la fermeture de l'hôpital pénitentiaire de Fresnes annoncée pour 2010 suscite aussi de nombreuses inquiétudes : alors qu'une fourgonnette et deux surveillants suffisaient à déposer une quinzaine de patients dans l'enceinte barricadée de Fresnes, hôpital installé à l'intérieur même de l'enceinte de la prison, les transports individualisés vers les hôpitaux généraux devront être multipliés.
Même le développement des unités hospitalières sécurisées ne rassure pas pleinement puisqu'elles sont bâties à l'intérieur des hôpitaux. Le syndicat de policiers Synergie vient de prévenir : dès septembre, les policiers s'opposeront encore plus vivement à accomplir ces «tâches indues».